JOSQUIN DES PRES (1440-v.1521)
Mille regretz de vous abandonner

Chanson polyphonique à 4 voix, écrite dans le mode de mi (sur fa #, voir plus bas), par Josquin des Prés, publiée par Piere Attaignant à Paris en 1533.
Cette oeuvre courte (40 mesures), a longtemps connu un grand succès, jusqu'à être transcrite pour luth dès le 16
e s. Sa diffusion la fit entendre en Allemagne, en Flandre et en Espagne, et il semble qu'elle ait été une des oeuvres préférées de Charles Quint.
Le texte de cette chanson est attribué à J. Lemaire : l'hypothèse d'une confusion avec le poète Jean Lemaire de Belges, auteur possible du texte, a été avancée.

Texte Commentaires

Mille regretz de vous abandonner
Et d'eslonger votre face amoureuse
J'ay si grand deuil et peine douloureuse
Qu'on me verra brief mes jours définer.

Dans ce quatrain, décasyllabique, les césures internes séparent les vers en 4 et 6 syllabes
("Mille regrets / de vous abandonner").
regretz
: plaintes, lamentations, cris, remords.
eslonger
: s'éloigner de, quitter.
brief
(bref) : bientôt.
définer : décliner, mourir.

L'oeuvre est écrite sur le mode de mi. Dans cette échelle, les 1/2 tons sont placés entre les 1er et 2e degrés, 5e et 6e degrés.
Dans l'édition Salabert, la finale (fa #) est différente, mais les emplacements des 1/2 tons sont identiques :

modemi.bmp (71154 bytes)

modemifa.bmp (68150 bytes)


L’ensemble de ce texte, de caractère plaintif, est composé de phrases dont les désinences sont pour la plupart descendantes. A cet effet, le compositeur utilise une technique qui s'apparente au figuralisme d'illustration.

Les débuts de phrases reprennent souvent le même rythme imposé par la prosodie (Mes. 5 et 6, 13 à 15, 28 à 30)   :

    Cliquez pour entendre

   Cliquez pour entendre

     Cliquez pour entendre

Le croisement des voix est  fréquent dans la musique de cette époque, à l'exemple des mes. 15 à 17 où le ténor chante au-dessus de la ligne de l'alto :

   Cliquez pour entendre

Le travail en imitation, dont l'usage est déjà très largement répandu, est présent. Notez l'effet d'écho entre les voix aiguës et graves (mes. 19 à 24) dont le lyrisme est appuyé à la fois par le texte et la mélodie descendante.

   Cliquez pour entendre

Les phrases de cette oeuvre sont pures dans leur dessin, et la polyphonie peu chargée n’est véritablement à 4 voix que dans les 7 dernières mesures du morceau (et de façon homophonique), où le texte "brief mes jours définer" est énoncé à trois reprises.
( Josquin utilise également ce procédé et brièvement dans les mes. 17 à 19 sur "J'ay si grand deuil")

L'ultime réitération des 6 dernières syllabes du quatrain fait entendre un balancement entre le 1er et le 5e degré (fa # - si), avant de conclure sur la finale fa # (accord parfait de fa # mineur) :

   Cliquez pour entendre

    Page d'accueil