Déploiement

Le processus formel de Sud repose la confrontation de deux types de matériaux : des sons naturels, d'une part, et des sons instrumentaux ou synthétiques, d'autre part. Les sons naturels n'ont pas de hauteur déterminée, alors que les sons synthétiques correspondent à une échelle majeure-mineure non tempérée (sol - si - mi - fa dièse - sol dièse...). Les transformations appliquées dans le courant de la pièce à ces matériaux de départ vont conduire à une hybridation et une interpénétration du naturel et du synthétique. Cette mutation, quasi génétique, s'opère selon deux modalité :

Dans son déroulement, la pièce évolue vers l'imbrication de plus en plus étroite des matériaux sonores enregistrés et synthétiques: les transformations sonores permettent de rapprocher ces deux mondes bien différents et de favoriser des rencontres intimes. Une échelle de hauteur (sol - si - mi - fa dièze - sol dièze), exposée d'abord par des sons de synthèse, va colorer de plus en plus les divers sons d'origine naturelle: elle devient dans la dernière partie une véritable grille harmonique qu'oiseaux ou vagues font résonner, à la façon d'une harpe éolienne. (Jean-Claude Risset)


Sud, d'une durée de 23'40, se compose de trois mouvements : I (9'45), II (5'49), III (8'00).

L'image ci-dessous représente les sonagrammes (réduits à une petite taille, pour avoir une vue d'ensemble) des trois mouvements de Sud.

Le sonnagramme est la représentation spectrale et dynamique du son : en abscisse, le son se déroule dans le temps (de gauche à droite) ; en ordonnée, se répartissent les fréquences du grave à l'aigu (de bas en haut) ; les différences d'amplitude des composantes du spectre sont distinguées par les couleurs (le choix des couleurs est subjectif) du violet (très forte amplitude) au vert (faible amplitude). Les traits horizontaux qui apparaissent parfois indiquent des zones harmoniques (sons à hauteurs déterminée). Dans le cas inverse, le spectre est inharmonique voire bruiteux.

On peut observer distinctement sur cette image que l'harmonicité s'infiltre de plus en plus, notamment dans le troisième mouvement : l'échelle de hauteur (sol - si - mi - fa# - sol#) colore de plus en plus les sons d'origine naturelle. D'un point de vue dynamique, les fortes amplitudes du deuxième mouvement montrent qu'il s'agit là du moment le plus agité de la pièce (la tempête) avec une prédominance des fréquences graves (violet et bleu).


Chaque mouvement est brièvement décrit ci-dessous. Chaque section est représentée sous forme d'un sonagramme complété par des indications sur les apparitions du matériau. Il est conseillé d'observer ces sonagrammes en écoutant le CD de Sud.

1er mouvement

La mer le matin - le profil du début imprégnera toute la pièce. Eveil d'oiseaux criards s'animant du pointillisme à la strette. Nuages harmoniques. Venant du grave, accumulation d'êtres hybrides. Chaleur. Luminy, au pied du Mont Puget: insectes et oiseaux réels et imaginés.

Le premier mouvement présente une grande partie du matériau de base. Les traitements, lorsqu'il y en a, sont employés avec parcimonie. Ce mouvement se divise nettement en trois sections :

2ème mouvement

Appel - comme une bouée à cloche animée par la mer. Agitation, flux, dérives, péripéties, mistral, tempête, feu de la terre, ou intérieur?

Les sons de mer traités par phasing (glissandi) dominent ainsi que les sons inharmoniques et les fréquences graves. L'échelle majeure-mineure fait quelques apparitions. Ce mouvement se divise également en trois sections :

3ème mouvement

Le profil de la mer, de plus en plus coloré: le bruit devient hauteur stridente. Hybrides animés. La grille harmonique se dévoile, excitée de toutes parts: puisions programmées, raga d'oiseaux, vagues de la mer. Reflux : le bruit du ressac

Dans ce mouvement les sons s'enchaînent plus rapidement et les accumulations se font plus denses. L'échelle majeure-mineure est omniprésente. Les hybridations et les interpénétrations du matériau sont constantes. On pénètre dans un univers "sur-naturaliste" (au sens baudelairien) et onirique. Les éléments sonores précédemment entendus reviennent à notre mémoire mais déformés et décontextualisés. La discontinuité rend plus délicat le découpage en sections. Nous avons opté pour les trois sections suivantes :