1. Soulève ta paupière close
Qu'effleure un songe virginal.
Je suis le spectre d'une rose
Que tu portais hier au bal.
Tu me pris encor emperlée
Des pleurs d'argent de l'arrosoir,
Et parmi la fête étoilée
Tu me promenas tout le soir.
2. Ô toi, qui de ma mort fus cause,
Sans que tu puisses le chasser,
Toutes les nuits mon spectre rose
A ton chevet viendra danser,
Mais ne crains rien, je ne réclame
Ni messe ni De Profundis ;
Ce léger parfum est mon âme
Et j'arrive au Paradis.
3. Mon destin fut digne d'envie,
Et pour avoir un sort si beau
Plus d'un aurait donné sa vie,
Car sur ton sein j'ai mon tombeau,
Et sur l'albâtre où je repose
Un poète avec un baiser
Écrivit : « Ci-gît une rose
Que tous les rois vont jalouser ».