MUSIQUE AU CYCLE TERMINAL, ENSEIGNEMENTS OBLIGATOIRE
ET DE
SPÉCIALITÉ EN SÉRIE
L
La musique occupe une
place singulière dans le paysage contemporain. Son omniprésence -
renforcée par le développement des médias et des technologies numériques
- se décline en de nombreuses et diverses pratiques qui ne cessent de
s'adapter aux goûts des individus et aux modes du moment. Lorsque
certains y trouvent un espace intime où le plaisir ne peut se partager,
d'autres, au contraire, la convoquent pour favoriser une communion
collective. Lorsque certains se satisfont de l'écouter, d'autres
s'attachent surtout à la créer. En d'autres termes, la musique qui se
crée, se diffuse, s'écoute, se pratique ou s'utilise aujourd'hui,
raconte la société contemporaine, sa culture, les relations qui s'y
nouent, les envies ou les nostalgies qui s'y expriment. Elle reste ainsi
ce qu'elle a toujours été : le témoin et l'acteur d'une société et de la
culture qui la fonde.
L'enseignement
obligatoire de musique au cycle terminal de la série littéraire embrasse
cette situation contemporaine dans ses multiples ramifications.
Enseignement de culture, il met en perspective les riches patrimoines
légués par des siècles de création musicale avec les pratiques que nous
en avons aujourd'hui. Enseignement de pratique, il enrichit la
multiplicité des démarches personnelles de diverses références, que
celles-ci relèvent de la musique, des autres arts ou encore de la
création contemporaine. Dans tous les cas, inscrivant la musique au
coeur d'une société en mouvement, il contribue à l'excellence d'une
formation ouverte aux grands enjeux du monde contemporain, tournée vers
l'horizon des nombreux métiers dont l'exercice pleinement
assumé requiert de façon indispensable une solide culture générale et
artistique.
L'enseignement
obligatoire de musique au cycle terminal accueille une diversité de
profils issue des parcours proposés dans les classes antérieures. Ayant
reçu au collège une formation obligatoire en éducation musicale, tous
les élèves sont pleinement fondés à la poursuivre au cycle terminal
(quels qu'aient été leurs choix en classe de seconde). Par ailleurs, le
suivi d'un enseignement d'exploration « Arts du son » et/ou d'un
enseignement facultatif de musique l'année précédente peut très
naturellement amener un tel choix d'orientation au cycle terminal. Cette
hétérogénéité des parcours, témoin des multiples facettes de l'art et de
la musique, alimente la mise en œuvre du présent programme, le
professeur qui en a la charge s'attachant à équilibrer les contenus
apportés en fonction des compétences acquises par chacun de ses élèves.
Ainsi conçu,
l'enseignement obligatoire de musique au cycle terminal constitue
l'aboutissement d'une formation musicale et artistique cohérente et
équilibrée. Il vient compléter et enrichir une formation humaniste en
prise avec le monde contemporain. Au terme de l'année de terminale, le
baccalauréat permet d'évaluer les compétences acquises dans le cadre de
cet enseignement.
En termes d'objectifs,
l'ambition de cet enseignement peut se résumer selon les axes suivants :
- permettre une
maîtrise critique des connaissances et compétences requises pour
pratiquer la musique (interpréter, créer, écouter, etc.) ;
- posséder une méthode
d'analyse rigoureuse et outillée permettant le commentaire critique de
toute situation musicale ;
- disposer de repères
chronologiques et diachroniques (histoire de la musique et des arts) et
géographiques et synchroniques (contextes, diversité et relativité des
cultures) permettant de développer une connaissance des styles, genres
et esthétiques qui organisent la création ;
- diversifier et
enrichir les démarches créatives dans le domaine des arts, de la musique
et du sonore : de l'écoute passive à l'écoute active, de
l'enregistrement au spectacle vivant, de l'acoustique à l'électronumérique
(et inversement), etc. ;
- découvrir et
connaître les ressorts de la vie artistique et musicale contemporaine
dans la diversité de ses facettes.
Pour atteindre ces
objectifs, l'enseignement obligatoire de musique au cycle terminal
mobilise et développe sans cesse de nombreuses compétences réunies en
trois ensembles complémentaires présentés ci-dessous.
Au fil de la formation
des élèves, ces compétences s'exercent sur des questions et des
situations de plus en plus complexes comme sur des projets de plus en
plus construits et ambitieux. Les œuvres rencontrées, qu'il s'agisse de
les interpréter, de les étudier pour en comprendre les ressorts ou
encore d'en mesurer la portée symbolique en regard du contexte qui les a
vues naître, donnent lieu à des travaux chaque fois plus approfondis.
Cette complexité croissante, si elle mobilise des connaissances toujours
plus nombreuses, en produit en retour beaucoup d'autres.
Ainsi, le présent
programme présente dans un premier temps les compétences de référence
pour l'ensemble du cycle terminal, dans un deuxième temps les
différentes situations d'études proposées aux élèves, dans un troisième
temps les contenus qui spécifient les classes de première puis de
terminale.
Compétences de référence pour l'ensemble du cycle terminal
Aux deux champs
traditionnels de compétences dont le développement organise les
enseignements musicaux depuis le début du collège - percevoir, produire
-, l'enseignement obligatoire de musique au cycle terminal de la série
littéraire en ajoute explicitement un troisième : penser la musique dans
le monde d'aujourd'hui.
Les deux premiers
champs ont déjà été présentés par le programme « Enseignement facultatif
musique » de seconde. Ils le sont de nouveau ci-dessous et de façon plus
succincte :
- percevoir :
développer l'acuité auditive au service d'une connaissance organisée et
problématisée des cultures musicales et artistiques dans le temps et
l'espace ;
- produire : pratiquer
les langages de la musique afin de développer une expression artistique
maîtrisée, individuelle ou collective ; diversifier les pratiques et les
répertoires rencontrés.
Le troisième champ de
compétences, dont le développement dépend étroitement des deux
précédents, spécifie pour une large part l'enseignement obligatoire de
musique en cycle terminal :
- penser la musique
dans le monde d'aujourd'hui.
Les analyses des
matériaux et techniques qui constituent et organisent la musique disent
peu de l'intention des créateurs, de l'émotion ou du plaisir de
l'auditeur, des rôles et fonctions (rituelles, sociales, politiques,
commerciales, etc.) qui en fondent parfois la création et l'usage. En
outre, la permanence du fait musical qui marque la période contemporaine
semble aller de pair avec une nouvelle posture de l'auditeur. Celle-ci
s'adosse à de nouveaux repères esthétiques servis par des outils de
perception innovants, dont l'usage développe l'exercice du sens critique
et permet finalement un choix réfléchi et maîtrisé de ce que l'on se
donne à entendre pour apprendre, connaître et s'émouvoir.
Aujourd'hui, une même
musique peut être spectacle vivant (concert), enregistrement fixé sur
support (CD ou fichier numérique) ou encore partition à interpréter.
Elle peut être utilisée a posteriori pour un autre propos, qu'il
s'agisse d'accompagner des images (cinéma, télévision, publicité, etc.),
ou de servir d'écrin sonore pour affirmer l'identité d'un lieu, voire
contribuer à son confort (restaurant, magasin, parking, etc.).
Finalement, elle tend à se fondre dans un flux perpétuel où ses
caractères propres et son ambition première se diluent en proportion de
la multiplicité des fonctions possibles. Inversement, des communautés de
genre semblent se multiplier (musiques actuelles [électro, chanson,
métal, R&B, rap, etc.], jazz, musique baroque, musique contemporaine,
opéra, etc.), créant à l'intérieur de chaque périmètre un dense réseau
de relations, références, parentés et influences.
Penser la musique dans
le monde d'aujourd'hui, c'est d'abord prendre la mesure de la riche
complexité de cette vie musicale qui nous entoure. C'est se servir de la
connaissance objective des matériaux, langages et supports de la musique
pour analyser et comprendre les fonctions qu'elle occupe dans la société
et identifier sa propre relation aux pratiques artistiques et musicales.
C'est construire une attitude critique face au sonore et à la musique,
attitude faite d'habitudes de raisonnement et de questionnement,
distinguant et articulant les questions esthétiques, historiques,
sociologiques ou émotionnelles, prenant en compte aussi bien les
relations collectives qu'individuelles aux œuvres entendues et/ou
pratiquées. C'est enfin réfléchir aux conséquences du développement des
technologies et du numérique sur la création, la diffusion, l'échange et
la pratique de la musique dans le monde d'aujourd'hui.
Ces trois grandes
compétences complémentaires et étroitement corrélées se construisent par
la multiplication de situations d'études. Pouvant aussi bien relever de
l'interprétation, de la création, du commentaire, de l'analyse, de la
recherche documentaire ou de la réflexion générale, elles couvrent une
diversité d'opportunités représentatives des formes de relation
qu'entretient chaque individu avec les arts et la musique.
Interprétation de la musique et création musicale
Les pratiques d'interprétation et de création musicales jouent un
rôle essentiel. Interprétation d'un répertoire supposant son
appropriation sous ses diverses facettes, étude ou expérimentation d'un
matériau ou d'une technique pour en mesurer les contraintes et les
potentiels, ces pratiques protéiformes sont constamment mobilisées, soit
comme moyens, soit comme objectifs.
La voix des élèves et leurs éventuelles compétences instrumentales en
sont les moteurs privilégiés. Alliées aux possibilités offertes par les
technologies, elles permettent de multiplier les situations de pratique
collective. Leur mise en œuvre donne lieu à des activités
d'interprétation, d'arrangement, d'improvisation, d'invention, de
recherche sonore, et aboutit à des productions diversifiées (voix,
instruments, sources sonores multiples). Celles-ci concrétisent alors
les compétences mobilisées en les nourrissant de connaissances de toutes
natures qui sont d'autant mieux acquises qu'elles sont utilisées dans
une situation de pratique musicale.
Commentaire d'écoute et analyse auditive
Qu'elle s'interprète, se crée ou soit enregistrée, la musique s'écoute,
se commente et s'analyse. Toute situation de formation permet ainsi de
développer ces perspectives, qu'il s'agisse par exemple de construire ou
discuter une interprétation, d'apprécier une création ou d'envisager son
développement, de connaître une œuvre et de l'inscrire dans une
temporalité historique ou une filiation esthétique.
Ces pratiques s'appuient en toute occasion sur une approche sensible et
vécue de la musique.
Elles partent du ressenti de chaque auditeur, confrontent des points de
vue d'abord subjectifs pour mieux dégager des lignes de force
caractérisant ce qui est entendu. Le commentaire évolue alors vers
l'analyse, trouvant dans une écoute focalisée, éventuellement confortée
par l'observation d'une partition qui en rend compte, une connaissance
précise d'éléments remarquables qui spécifient la musique étudiée.
Inconnues jusqu'alors, l'abondance et la disponibilité de la musique
enregistrée imposent aujourd'hui de multiplier les rencontres musicales
tout au long d'un parcours de formation. Certaines, en nombre
nécessairement limité, devront rythmer chaque année scolaire par des
études approfondies ; d'autres, bien plus nombreuses et souvent réduites
à de brefs extraits, viendront d'une part éclairer le travail en cours,
et d'autre part entraîner la perception de l'élève, compétence plus que
jamais nécessaire à l'appréhension du monde musical contemporain.
Recherche documentaire
Une fois créée, l'œuvre musicale est bien plus qu'un possible
plaisir proposé à celui qui s'en empare pour l'écouter ou l'interpréter.
Elle témoigne d'un geste créateur, d'un contexte de création,
d'influences esthétiques, de contraintes diverses qui peuvent relever
aussi bien du politique et du pouvoir que du social ou de l'économique.
L'œuvre musicale et plus généralement le fait musical sont ainsi
porteurs de sens, éclairant l'histoire des hommes, des sociétés et des
idées.
L'enseignement obligatoire de la musique de série
L
offre de nombreuses occasions d'engager des recherches sur ces
questions. Qu'il s'agisse d'interpréter, d'arranger, de créer « dans le
style de », d'improviser, de commenter ou d'analyser, l'œuvre ou les
œuvres qui en sont le support peuvent donner lieu à des recherches
orientées vers l'identification d'influences, de parentés ou de
filiations esthétiques, vers la connaissance des contextes de la
création puis de la transmission et de la réception par le public. Cette
approche, toujours circonscrite par le professeur à des objectifs précis
et aisément réalisables, développe une posture critique et curieuse,
outillée par l'expérience, et enrichissant le rapport de l'élève avec
les œuvres, la musique, les arts et la création.
Réflexion esthétique et sociologique
La diversité des situations musicales rencontrées par les élèves
durant les deux années du cycle terminal donne de fréquentes occasions
de réfléchir à l'esthétique et à la sociologie de la musique.
Il s'agit d'apprendre à interroger le sens d'une œuvre et d'un discours
musical en faisant la part entre émotion, sensibilité, connaissances
objectives et jugement de valeur. Référée à un objet identifié et
circonscrit (l'œuvre musicale pratiquée), cette réflexion permet une
première approche des notions de beau et de goût, de causalité
(continuité et rupture) et d'histoire, notions qui seront approfondies
par l'enseignement de la philosophie en classe terminale.
Cette démarche s'enrichit logiquement de considérations sociologiques
susceptibles d'éclairer l'appréhension de chacune de ces notions. La
création musicale est en effet toujours étroitement corrélée aux
situations sociales des musiciens créateurs, aux conditions de diffusion
de la création comme aux formes de pratique de la musique privilégiées
par la société dont elle émane.
Le débat au sein de la classe, les recherches personnelles, la
collaboration avec d'autres champs disciplinaires, la rencontre avec des
acteurs du monde culturel contribuent à alimenter cette réflexion et à
progressivement construire des choix artistiques individuellement
maîtrisés.
Évaluation des acquis des élèves
Au cycle terminal du
lycée, l'évaluation des acquis revêt une importance particulière liée à
l'horizon du baccalauréat. Elle doit en effet permettre à l'élève
d'envisager cette perspective en lui apportant les repères nécessaires
sur ses acquisitions, sur ses difficultés, sur le chemin qu'il a
parcouru comme sur celui qu'il lui reste à parcourir.
La mise en œuvre d'une évaluation dynamique de cette nature exige qu'on
prête attention à chacun des points suivants :
- L'évaluation s'appuie sur des situations musicales réelles inscrites
dans le travail mené en classe ; elle doit permettre au professeur comme
à l'élève de vérifier et apprécier les connaissances acquises ainsi que
les capacités à mobiliser dans une situation musicale donnée.
- Les moyens mis en œuvre doivent privilégier la mesure des progrès -
sans forcément les quantifier - et permettre d'identifier les obstacles
à la réussite.
- Les référentiels d'évaluation et les critères d'appréciation qui les
constituent doivent être connus et compris des élèves afin qu'ils
dépassent leurs difficultés et s'inscrivent dans une démarche dynamique.
- Le résultat d'une évaluation doit aider l'élève à se fixer des
objectifs de travail accessibles : il tire parti des acquis constatés
pour approfondir ses connaissances, en découvrir de nouvelles et
développer ses compétences.
Dans tous les cas, les trois compétences de référence présentées
ci-dessus posent le cadre général et les enjeux poursuivis par
l'évaluation des acquis des élèves.
En classe de première,
deux grandes questions irriguent le travail de l'année. La première
interroge les rapports de la musique aux autres domaines de la création
artistique, la seconde étudie les diverses façons dont la musique
organise le temps de son discours, c'est-à-dire sa forme.
L'étude de chacune de ces questions parcourt la profondeur de l'histoire
de la musique et des arts et prend en compte la période contemporaine.
Elles sont bien sûr complémentaires et non exclusives l'une de l'autre,
une même œuvre, qu'elle soit instrumentale ou vocale, pouvant relever
des deux approches. Au terme de l'année de première, l'élève a ainsi
enrichi son réseau de repères artistiques et musicaux, lui permettant
progressivement d'identifier les parentés, filiations, oppositions,
ruptures qui font la richesse d'une culture et forgent son caractère.
Musique et autres arts
Tout au long de son histoire multiséculaire, la musique a entretenu
des liens riches et divers avec d'autres modes d'expression. Ces
rencontres se sont multipliées et approfondies depuis le début du XXème
siècle, allant jusqu'à brouiller les repères qui, jusqu'alors,
semblaient organiser le paysage de la création artistique. L'étude de
ces rencontres et des questions qu'elles ne manquent pas de poser
s'appuie sur le choix de plusieurs œuvres significatives, choisies pour
l'originalité des liens qu'y entretient la musique avec un ou plusieurs
autres domaines de la création artistique. Les rencontres de la musique
avec le texte, de la musique avec le mouvement et l'espace, de la
musique avec l'image formeront les trois axes structurants de ce
parcours.
Le texte, de la poésie à la littérature, du sacré au profane, de la
comédie au drame est depuis toujours complice de la musique. Ce dialogue
ne cesse aujourd'hui encore de produire des œuvres originales, créant de
nouvelles formes (théâtre musical par exemple) ou en alimentant de plus
anciennes (de l'opéra à la chanson). Le texte est aussi volontiers le
support d'un instrument à part entière, la voix, où le sens s'estompe au
bénéfice d'une virtuosité purement instrumentale (de la virtuosité du
Bel canto italien aux recherches du théâtre musical).
La musique entretient depuis toujours une relation singulière avec le
mouvement des corps. Elle peut être festive et populaire et accompagner
des rites sociaux inscrits au coeur des traditions et des cultures ;
elle peut être originale et créative lorsque musique et danse, composées
d'un même élan sinon l'une pour l'autre, produisent une œuvre
chorégraphique originale où corps, mouvements, espaces et sons
deviennent indissociables. L'extension du vocabulaire de la musique
comme de celui de l'art chorégraphique depuis le début du XXème siècle
multiplie aujourd'hui les rencontres créatives de ces deux univers,
rencontres où l'expérience artistique atteint parfois à l'œuvre d'art.
Bien avant qu'il ne devienne parlant, le cinéma a entretenu des liens
forts avec la musique, réalisateurs et spectateurs ayant très tôt mesuré
combien celle-ci pouvait dialoguer avec l'image, en renforcer ou en
compléter le sens, lui apporter d'autres références et jouer avec la
mémoire de l'auditeur-spectateur. Aujourd'hui, l'art cinématographique
ne peut se concevoir sans la musique et, au-delà, sans une écriture du
sonore particulièrement étudiée (à tel point que l'absence de musique -
le silence de musique qui n'est pas le silence de la bande son - en
devient signifiante).
Musique et recherches formelles
La forme peut être considérée comme l'organisation du temps de la
musique découlant d'une intention maîtrisée par le créateur puis d'une
perception raisonnée de l'auditeur. D'un côté, le créateur de musique
cherche à adosser son travail à un cadre formel qui garantit une
structure équilibrée tenant compte d'une esthétique de référence comme
des exigences de la perception. De l'autre, l'auditeur, de façon plus ou
moins consciente, convoque des cadres temporels pour organiser son
écoute. Pour les uns et les autres, la forme est un cadre essentiel et
souvent premier car, si la musique est temps, la forme pose des repères
permettant sa cohérence avant d'organiser, à une échelle bien plus fine,
la disposition des événements successifs et simultanés.
Depuis ses origines, la musique n'a cessé d'élargir son vocabulaire
formel. Parcourir l'histoire de la musique permet aisément d'en
apprécier quelques étapes remarquables. En outre, écouter les musiques
créées aujourd'hui montre la très grande diversité de possibles,
certaines renouant avec une simplicité première, d'autres atteignant une
grande complexité théorique.
Équilibrant les besoins de la création et ceux de la réception, ces
recherches formelles ont peu à peu posé des références stables dans
l'histoire de la musique. Ces références, si elles marquent souvent une
époque, une esthétique, un genre ou un style, sont aussi des points de
départ pour de nouvelles organisations créées par les musiciens.
Cette question sera abordée au travers d'un large répertoire couvrant
l'histoire de la musique, ses réalités contemporaines savantes et
populaires, sans oublier quelques éclairages complémentaires issus de
cultures musicales non occidentales. Cet ensemble sera aussi l'occasion
de dégager quelques invariants qui, au-delà des vicissitudes d'une
histoire des langages et des esthétiques, montrent que la musique reste
toujours un agencement de sons organisant le temps.
Classe terminale
Tirant parti de l'étude des deux grandes questions menée en classe de
première, la classe terminale approfondit ce travail dans quatre
directions. Les deux premières interrogent des dimensions fondamentales
de la langue musicale, dont les réalités marquent aussi bien l'histoire
que les pratiques de la musique aujourd'hui. La troisième étudie les
relations riches et complexes qui, depuis des siècles et selon des
formes qui n'ont cessé de se diversifier, relient le compositeur à
l'interprète et, par extension, à l'arrangeur. La quatrième s'intéresse,
à travers la musique telle qu'elle se crée et se pratique, à la
circulation des cultures, aux échanges entre traditions, aux métissages.
Chaque questionnement peut être conduit à travers une grande diversité
d'œuvres, que celles-ci relèvent de la « musique pure » ou bien
s'adossent à des éléments extra-musicaux.
Le travail de l'année organisera l'étude de ces quatre grandes
questions. Aussi souvent que possible, les œuvres étudiées gagneront à
être éclairées selon ces différents angles de réflexion et d'analyse.
En vue de l'examen du baccalauréat, un programme limitatif est publié au
Bulletin officiel de l'Éducation nationale. Il est renouvelé pour partie
régulièrement. Cependant, sa prise en compte ne peut circonscrire le
travail mené au titre de ces quatre grandes questions, le professeur en
alimentant l'étude par un choix diversifié de références musicales
supplémentaires et complémentaires.
La musique, le timbre et le son
La musique manie aujourd'hui un riche vocabulaire de timbres. Après
s'être très progressivement élargi au fil des siècles et des échanges
culturels, son périmètre a augmenté de façon exponentielle avec
l'arrivée de l'électricité, du numérique et de tous les nouveaux
instruments qui en ont découlé. Les références ont aujourd'hui
incontestablement changé : d'un côté les créations populaires et
savantes ne cessent d'intégrer des sonorités a priori extérieures au
champ musical, de l'autre nombre d'interprètes et de musicologues
s'engagent dans une recherche nouvelle d'authenticité historique sur des
répertoires anciens (interprétation sur instruments d'époque, engouement
pour les voix disparues et fantasmées). Le son des musiques est devenu
un paramètre central de la musique, qu'il s'agisse de la créer, de
l'interpréter, de l'enregistrer, de la diffuser et, bien entendu, de
l'écouter et de l'apprécier.
Cette longue histoire du timbre peut aussi se lire comme le reflet du
dialogue plus ou moins direct entre les créateurs et les technologies de
la facture instrumentale, bien avant celles de l'électricité et du
numérique. Le facteur d'instruments crée des outils que le compositeur,
allié à l'interprète, peut éventuellement valider - en composant - pour
permettre de les améliorer et d'en inventer d'autres. Ainsi, ce
vocabulaire peut s'enrichir dès lors que le progrès technique rencontre
la création artistique et que celle-ci satisfait les goûts d'un public.
Les répertoires de la musique gardent les traces de cette extension
progressive du domaine du timbre. C'est à travers l'étude de plusieurs
œuvres remarquables choisies à des périodes différentes que cette
problématique et les nombreuses questions qui en découlent seront
abordées.
La musique, le rythme et le temps
La musique se construit par un jeu de contrastes qui, à diverses
échelles, organise le temps. Continuités et ruptures, développements et
récapitulations, tensions et dénouements, instantanéité et mémoire, sont
quelques exemples de ces couples quasi antagonistes dont le dialogue
altère la linéarité du temps pour fabriquer la musique. Après le
compositeur - celui qui crée -, l'auditeur - celui qui écoute - ne cesse
d'articuler les événements sonores perçus en fonction de références et
expériences préexistantes. Mètre, carrure, mesure, tactus, tempo, motif,
thème, phrase, formes fixes et leur refus, harmonie, dissonance,
polyphonie, densité, etc., deviennent autant de caractéristiques
contribuant à créer une expérience rythmique qui éclaire le geste du
compositeur comme la sensibilité de l'auditeur. Permettant de comprendre
le temps de la musique, cette expérience particulière ne reste jamais
figée, chaque œuvre, chaque époque, chaque esthétique le réinventant à
son tour.
Cette étude et les questionnements qui en découlent s'appuieront sur le
choix de quelques œuvres présentant des volets complémentaires de cette
problématique. Dans un premier temps, elle mobilisera volontiers les
sensibilités diverses des élèves qu'il s'agira ensuite de confronter aux
réalités objectives qui fondent la musique écoutée.
La musique, l'interprétation et l'arrangement
Jusqu'à l'invention de l'enregistrement et a fortiori la
démocratisation des appareils de diffusion de la musique enregistrée, la
musique, une fois créée, ne pouvait vivre et revivre que par ce que
voulaient bien en faire les musiciens qui s'en emparaient. Les
interprètes avaient donc un rôle déterminant pour faire connaître et
diffuser les œuvres. Parallèlement, la faible quantité de musique éditée
contraignait sa diffusion, les compositeurs prenant d'autant plus la
liberté d'arranger leurs propres œuvres - et celles d'autres musiciens -
pour écrire de nouveaux projets. Certes compositeurs, ils se muaient
volontiers en véritables arrangeurs.
L'émancipation du compositeur depuis la fin des Lumières, marquée au
creux du XIXème siècle par l'apparition de la notion de droit d'auteur,
change progressivement le paysage de la création, de l'interprétation et
donc de l'arrangement. D'un côté émergent de nombreux
auteurs/compositeurs/interprètes, notamment dans le domaine des musiques
populaires, de l'autre apparaissent des spécialisations multiples
s'articulant pour créer, interpréter, recréer la musique. La période
contemporaine, où l'enregistrement et la diffusion sont devenus la
norme, où l'internet et le spectacle vivant se disputent les auditeurs,
où chacun peut, sinon composer, du moins arranger en jouant de plus en
plus aisément avec les paramètres de la musique, poursuit cette riche et
complexe histoire.
Son étude comme les questions qu'elle permet d'aborder (évolution des
contextes de la création, de l'interprétation et de la diffusion) seront
envisagées à partir d'œuvres et d'artistes représentatifs de la
diversité des situations historiques et professionnelles. Les œuvres
choisies gagneront à être systématiquement éclairées par un travail
d'écoute comparée permettant de mettre en perspective les rôles
respectifs et toujours mouvants du créateur, de l'interprète et de
l'arrangeur.
Enfin, la plupart des élèves ayant eux-mêmes des pratiques
d'instrumentiste ou de chanteur, il sera toujours opportun de relier
cette réflexion à leurs démarches personnelles, notamment en mettant au
coeur du travail de la classe une ou plusieurs œuvres travaillées par
certains d'entre eux.
La musique, diversité et relativité des cultures
La création musicale contemporaine est marquée par un effacement
progressif des marqueurs qui spécifiaient jusqu'à présent les
traditions, esthétiques et cultures musicales. Qu'elle soit savante ou
populaire, de tradition écrite ou orale, la musique occidentale témoigne
sans cesse de cette évolution.
Inversement, les traditions musicales non occidentales se voient de plus
en plus colorées par des figures esthétiques qui ne relèvent aucunement
de leurs traditions, notamment du fait de plusieurs vecteurs techniques
(amplification, enregistrement, numérisation, diffusion) qui
introduisent dans les pratiques traditionnelles un nouveau rapport à
l'espace, au temps, à la mémoire et à la fixation de l'événement sonore.
Ce mouvement touche la géographie des cultures musicales, mais aussi
leur temporalité. Bien plus et tout autrement que par le passé, on
assiste aujourd'hui à un brassage des cultures musicales. Nombreuses,
diverses et souvent très marquées, elles constituent de nouvelles
ressources et perspectives pour enrichir et développer les pratiques de
tous les musiciens, qu'ils créent, interprètent, ou écoutent de la
musique. Mais, paradoxalement, cette richesse ne recèle-t-elle pas un
risque d'uniformité ?
Découvrir les ressorts et les conséquences de ces évolutions
révélatrices du monde contemporain et les apprécier à la lumière de
diverses époques antérieures permettent d'en mesurer les intérêts, les
perspectives et peut-être les limites.
MUSIQUE AU CYCLE TERMINAL, ENSEIGNEMENT FACULTATIF TOUTES SÉRIES
L'enseignement
facultatif de la musique au cycle terminal s'adresse à tous les élèves
qui, quels que soient leurs parcours de formation durant les deux
dernières années du lycée, désirent les enrichir d'une dimension
artistique fondée sur la pratique et de la connaissance de la musique.
Il accueille les élèves qui souhaitent poursuivre et approfondir
l'éducation musicale reçue au collège, certains d'entre eux ayant, en
classe de seconde, suivi un enseignement facultatif de musique ou
découvert de nouveaux horizons de formation grâce à l'enseignement
d'exploration « Création et activités artistiques - Arts du son ». La
diversité de ces parcours antérieurs nourrit l'enseignement facultatif
au cycle terminal qui, proposant sans cesse de pratiquer la musique, ses
matériaux, ses techniques et ses langages, fédère les motivations des
élèves afin de développer les grandes compétences qui font la culture
musicale et l'expérience de la musique.
Les lycéens qui choisissent cet enseignement portent un intérêt
particulier à la musique. La diversité des relations qu'ils
entretiennent avec elle est à la mesure de la place qu'occupent
aujourd'hui le sonore et la musique dans l'organisation sociale comme au
sein du quotidien de chaque individu. Si tous écoutent de la musique,
c'est avec une oreille dont l'acuité, l'expérience et les références
artistiques gagnent toujours à être enrichies. Il en va de même pour
ceux qui, parmi eux, jouent d'un instrument. Certains ont des parcours
balisés par le suivi d'un cursus en enseignement spécialisé (parfois en
CHAM),
d'autres développent en autodidactes une pratique où l'oralité et la
reproduction d'un modèle restent les guides les plus sûrs. Jouant
souvent en groupe ou en ensemble (choeur, rock, jazz, musique de
chambre, orchestre, etc.), tous manifestent ainsi cette envie d'une
démarche collective, certains d'entre eux rêvant d'un avenir
professionnel plus ou moins réalisable.
D'autres lycéens - même si ce sont parfois les mêmes - découvrent le son
et la composition dans la confidentialité de la relation qu'ils
entretiennent avec leur ordinateur. Celui-ci propose en effet, outre un
accès facilité à toutes les musiques imaginables d'aujourd'hui et
d'hier, des outils souvent gratuits permettant de découvrir la musique
et ses matériaux par la création et la composition, et ceci avant toute
maîtrise d'une théorie de la musique ou d'une technique instrumentale.
Ainsi s'est développée une sorte de nouvel instrument indéfiniment
mouvant et évolutif, le « home-studio », devenu peu à peu un des
marqueurs des esthétiques contemporaines comme des nouvelles pratiques
qui en accompagnent l'émergence. L'internet aidant, des communautés de
genre appuyées sur ces nouveaux outils et échappant à toute logique
institutionnelle ou géographique se sont développées.
Cette logique de la chambre, renforcée par l'évolution des modèles de
diffusion de la musique enregistrée, semble parfois contredite par le
développement du spectacle vivant musical, qui est aussi un lieu de
partage collectif où le plaisir et la pratique de la musique reposent
sur quelque chose d'éminemment humain.
Si la musique n'a pas attendu la période actuelle pour entretenir
d'étroites relations avec le texte ou le récit (de l'opéra à la chanson,
du choral à l'oratorio), l'importance prise aujourd'hui par la
communication visuelle lui a ouvert de nouveaux espaces. Cinéma, danse,
mais aussi théâtre ou installations plastiques et multimédia en
témoignent volontiers. Au-delà de ces visées artistiques, la musique
développe des liens étroits avec toutes les techniques qui visent à
communiquer un message, notamment commercial ou signant l'identité d'un
lieu, d'une marque, d'une radio, etc. Enfin, le son lui-même est devenu
un objet d'étude à part entière (acoustique, compression, diffusion,
synthèse, physiologie de l'audition et prévention des risques, etc.)
interrogeant la pluralité des savoirs scientifiques. Ces relations
diverses, reposant chacune sur une dialectique entre différents
langages, fournissent des points d'entrée en musique que l'enseignement
au lycée ne peut ignorer. Car, si leurs connaissances éclairent ce
qu'est la musique aujourd'hui, elles permettent aussi à nombre d'élèves
de construire une relation à la musique, précise, cultivée et investie,
bien en marge des chemins convenus.
L'enseignement facultatif de la musique se construit à partir de ces
réalités qui nourrissent les pratiques musicales et artistiques des
élèves tout en spécifiant l'environnement culturel dans lequel ils
progressent. Il s'enracine dans ce désir qu'ont les élèves d'une
relation concrète au son et à la musique pour développer des
perspectives complémentaires tournées vers les techniques, les langages
et l'histoire de la musique et des arts.
Traduite en termes d'objectifs, cette formation se construit selon les
axes suivants :
- Situer sa pratique du
son et de la musique en référence à toutes les autres et au coeur d'un
contexte social, artistique et économique.
- Développer des savoirs, des expériences, des méthodes et des
références pour optimiser sa pratique personnelle du son et de la
musique ; en développer les dimensions exploratoires et créatives.
- Par la pratique collective associant les élèves, découvrir la
diversité des postures et démarches qui animent la vie musicale
aujourd'hui.
- Construire une réflexion curieuse et critique sur la musique
aujourd'hui (création, esthétiques, pratiques) en pleine connaissance
des enjeux qui en soutiennent la vitalité.
- Développer une culture musicale et artistique organisant le temps et
l'espace des arts autour de références identifiées (œuvres et
esthétiques).
Curiosité, ouverture, expérience, diversité, culture : les ambitions
exprimées par ces objectifs tendent à éviter l'enfermement du lycéen
dans un répertoire limité et contraint, lequel risquerait de renvoyer
rapidement à un critère de distinction sociale. A contrario,
l'enseignement facultatif de la musique doit permettre à chaque élève
d'élaborer un jugement de goût construit par une analyse comparée et
réfléchie du monde sonore pris dans sa globalité. Cet enseignement
devient ainsi le lieu d'apprentissage du savoir dialoguer, du savoir
vivre ensemble et de la capacité d'évoluer dans sa vie personnelle,
sociale et professionnelle.
Afin de favoriser l'accès de tous les lycéens à la culture,
l'enseignement musical dispensé au lycée s'enrichit d'une offre
complémentaire de pratiques musicales collectives (vocales,
instrumentales) proposée cette fois à tous les élèves de
l'établissement, axe important de la dimension artistique du projet
d'établissement. Une ou plusieurs présentations publiques du travail
réalisé, qui peut être un projet commun à plusieurs lycées ou réunir
lycéens et collégiens, sont vivement souhaitables.
Enfin, la vie culturelle extérieure au lycée enrichit opportunément
l'enseignement musical qui y est dispensé. Le professeur peut organiser
des rencontres avec ses acteurs et ses structures culturelles. Il peut
inscrire dans son projet pédagogique un ou plusieurs concerts ou
spectacles de proximité, dont le contenu vient alors enrichir la mise en
œuvre du programme. Une telle démarche contribue à ce que les élèves
découvrent leur environnement culturel et apprennent à en tirer parti.
Compétences de référence pour l'ensemble du cycle terminal
S'appuyant sur une
pluralité de pratiques musicales, l'enseignement facultatif de la
musique en cycle terminal vise le développement de deux ensembles de
compétences. Les unes, relevant de la perception, ouvrent à l'écoute de
toutes les musiques, qu'elles soient enregistrées, vivantes,
interprétées ou créées par les élèves. Les autres, relevant de la
production, construisent et enrichissent des savoir-faire au service
d'une diversité de projets musicaux. Dans la plupart des situations
pédagogiques, ces deux compétences interagissent en permanence et la
mobilisation de l'une alimente toujours le développement de l'autre.
Structurant le programme de l'éducation musicale enseignée au collège,
ces deux compétences générales y sont présentées et précisées dans leurs
contenus, périmètres et situations susceptibles de les mobiliser pour
les approfondir (arrêté du 9 juillet 2008, B.O.EN n° 6 du 28 juillet
2008
http://media.education.gouv.fr/file/special_6/21/4/programme_musique_general_33214.pdf).
Le programme de l'enseignement facultatif en classe de seconde en
rappelle les définitions et décline chacune d'entre elles en compétences
associées. Ces éléments de référence sont ici de nouveau présentés.
- Produire, c'est pratiquer les langages de la musique afin de
développer une expression artistique maîtrisée, individuelle ou
collective ; permettant de diversifier les pratiques et les répertoires
rencontrés, la voix reste l'instrument le plus immédiat pour atteindre
cet objectif. Ses potentialités sont enrichies d'autres ressources
instrumentales, qu'il s'agisse de celles apportées par les élèves,
parfois instrumentistes, ou des sources sonores disponibles en classe
(piano, percussions, etc.) ; enfin, les outils de l'informatique
musicale (Ticce-Technologies de l'information, de la communication et de
la création pour l'éducation) peuvent encore diversifier cet ensemble.
- Percevoir, c'est développer l'acuité auditive au service d'une
connaissance organisée et problématisée des cultures musicales et
artistiques dans le temps et l'espace ; œuvres et productions musicales
de toutes époques peuvent ainsi être étudiées, d'une part pour apprendre
à en percevoir les diverses caractéristiques, d'autre part pour toujours
en mesurer les spécificités au regard de l'histoire, de la culture
d'origine, de leurs liens avec les contextes artistiques, esthétiques ou
sociaux ; apprendre à percevoir, c'est apprendre à interroger les œuvres
qui font l'histoire de la musique et des arts - comme leurs réalités
contemporaines - au-delà de leurs apparences premières ; c'est enfin
s'interroger sur la place qu'occupent le sonore et la musique au
quotidien dans les cultures et sociétés d'aujourd'hui.
Ces deux grandes compétences permettent d'une part de définir deux
grands ensembles d'objectifs liés à chacune d'entre elles, d'autre part
d'identifier des situations concrètes où chacune est mobilisée et
développée.
Champs de compétence |
Compétences appliquées |
Produire :
réaliser une pratique musicale adaptée à son niveau technique,
prenant place dans un collectif, notamment en lien avec une ou
plusieurs des problématiques étudiées et les répertoires retenus
pour son étude.
|
- interpréter un
répertoire et en comprendre les éléments constitutifs ;
- chanter ou
jouer sa partie dans une pratique instrumentale et/ou chorale
collective en restant attentif à toutes les autres ;
- manipuler et
développer certaines figures de langage préalablement identifiées.
|
Percevoir :
développer sa capacité à recevoir et découvrir des musiques
nombreuses et diversifiées ; identifier les éléments et processus
mis en œuvre par le langage musical ; savoir conduire le
commentaire critique d'une œuvre musicale dans le cadre de la
problématique étudiée.
|
- comparer
(ressemblances et différences) à d'autres musiques étudiées ;
- argumenter un
point de vue critique appuyé sur les éléments identifiés du
langage musical (timbre et espace, temps et rythme, dynamique,
successif et simultané, forme, styles (1))
;
- mobiliser ses
connaissances sur l'entrée étudiée, selon les thématiques choisies
;
- solliciter des
compétences relevant d'autres domaines de connaissance (champs
artistiques, champs scientifiques, sciences humaines, etc.) ;
- mobiliser des
références connues puisées dans l'histoire de la musique, des arts
et des idées ;
- utiliser les
outils numériques d'aide au commentaire, à la documentation et à
la création musicale.
|
|
Situations d'étude, démarches pédagogiques
Tirer parti des
pratiques musicales des élèves et les enrichir
Il est essentiel de prendre en compte la motivation des élèves et
leurs pratiques musicales. En tirer parti peut devenir un puissant
levier de dynamique pédagogique comme le ferment du développement des
compétences visées.
Certains élèves peuvent avoir des pratiques instrumentales,
individuelles, en groupe ou en ensemble, ou des pratiques vocales
découvertes souvent au collège et poursuivies depuis. Parmi eux,
certains ont suivi un parcours de formation dans l'enseignement
spécialisé associant technique instrumentale, techniques et théories de
la musique, lorsque d'autres ont cheminé en autodidactes, découvrant la
pratique instrumentale par les exemples et les méthodes aujourd'hui
disponibles en nombre sur internet. D'autres élèves témoignent de
pratiques d'écoute intensives développées grâce à l'abondance des
musiques en ligne. D'autres encore ont découvert la musique et le son
directement par la création en profitant de la puissance et des très
nombreuses possibilités de l'informatique musicale. D'autres enfin,
sensibles à l'identité des artistes qui incarnent la musique, ont une
relation à la musique qui passe par ceux qui l'interprètent, témoignant
sur scène de leur travail dans une relation souvent fusionnelle avec
leur public.
Si ces quelques exemples ne peuvent épuiser la diversité des relations
que les lycéens entretiennent avec la musique, ils en montrent
l'hétérogénéité. Celle-ci, mobilisée opportunément en fonction des
situations d'étude et des démarches pédagogiques engagées, permet de
multiplier les éclairages issus des postures des élèves et d'enrichir la
pratique de chacun.
Des objets musicaux/objets d'étude diversifiés
La démarche pédagogique part toujours d'une réalité musicale,
laquelle dépend de l'objet musical de référence mais également du
rapport actif et concret que les élèves entretiennent avec lui. Cette
réalité de la musique peut être extrêmement diverse. Il peut s'agir, par
exemple :
- d'une œuvre « savante » ou « populaire », du passé ou contemporaine,
et des pratiques d'interprétation, d'écoute, d'arrangement, de
manipulation qu'en ont les élèves ;
- d'un album discographique, d'un film, d'un site, d'un festival ou
encore d'un concert ;
- d'un artiste identifié par l'histoire ou par l'actualité
contemporaine, qu'il soit compositeur, créateur, interprète, etc.
Autant de points de départ qui, illustrant toujours l'intérêt de tout ou
partie des élèves pour la musique, deviennent les moteurs de la
formation dispensée. Dans tous les cas, celle-ci doit multiplier les
apports culturels et techniques, les expériences pratiques, les
explorations sonores mobilisant les deux compétences de référence
(percevoir, produire).
Des pratiques musicales ouvertes sur la connaissance de la musique
Quels que soient les objectifs poursuivis par une séquence
d'enseignement, les situations pratiques sur lesquelles elle s'appuie
justifient l'apport de connaissances nouvelles, que soient abordés de
nouveaux questionnements, l'éventuelle réalisation d'une production
musicale. Dégageant progressivement de nouvelles perspectives liées aux
références techniques et culturelles apportées par le professeur, cette
démarche systématique permet de renouveler l'intérêt et d'approfondir la
qualité des situations musicales vécues et investies par les élèves, la
compréhension de ses exigences, de ses limites comme de ses enjeux.
Dans cette perspective, il est indispensable de multiplier les
comparaisons (par l'écoute souvent mais aussi par la pratique vocale ou
instrumentale) au-delà des frontières d'un genre, d'une esthétique,
d'une culture, d'un espace géographique. Il est tout aussi essentiel de
saisir diverses occasions pour mener des expériences sur la musique,
qu'il s'agisse d'arranger pour s'adapter aux contraintes des
élèves/musiciens, ou encore, plus simplement, d'interpréter, de
manipuler - jouer avec - un processus identifié pour l'orienter vers
d'autres horizons esthétiques.
Cette démarche générale multipliant les rencontres de la musique et des
œuvres contribue à enrichir une culture musicale et artistique
embrassant la profondeur de l'histoire et la diversité des cultures du
monde. Le professeur veille sans cesse à articuler l'ensemble de ces
découvertes (œuvres de référence, techniques caractéristiques) afin de
forger les repères indispensables à la construction d'une culture
musicale et artistique critique et réfléchie.
Évaluation des acquis des élèves
La mobilisation des
compétences de référence et les situations d'étude qui y contribuent
permettent à l'élève de développer, d'organiser et d'appliquer de façon
progressivement plus autonome un ensemble de connaissances et capacités
témoignant d'une formation musicale équilibrée. Chaque séquence
identifie clairement les objectifs prioritairement visés (connaissances
à acquérir, capacités sollicitées et situations permettant de les
mobiliser) de telle sorte que les élèves puissent à chaque étape mesurer
le chemin parcouru comme celui restant à parcourir. Cette appropriation
par l'élève des objectifs visés devient ainsi la base de l'évaluation
par le professeur des acquis de chacun, des progrès effectués et des
lacunes auxquelles il reste à remédier.
L'enseignement
facultatif de la musique en cycle terminal se développe autour de
plusieurs champs de questionnement qui se succèdent et se complètent sur
les deux années du cycle. Certains s'attachent à la profondeur du temps,
aux continuités et ruptures qui marquent l'histoire de la musique et des
arts. D'autres s'intéressent aux relations que le son et la musique
entretiennent avec le récit, que celui-ci soit porté par un texte mis en
musique ou non. D'autres enfin, proposés au choix du professeur en
classe terminale, permettent de diversifier les éclairages sur la
musique et les œuvres en choisissant des angles particuliers pour en
problématiser une juste connaissance. Au terme de chaque année scolaire,
le corpus d'œuvres pratiquées et étudiées à ces divers titres constitue
un réseau équilibré de références réparties dans l'histoire et la
géographie de la musique.
En classe terminale, un programme limitatif, renouvelé pour partie
régulièrement et concernant l'ensemble des questions proposées par le
programme, est une référence pour l'évaluation des élèves au
baccalauréat. Il ne peut toutefois circonscrire à lui seul le périmètre
des musiques rencontrées et étudiées durant l'année. Celles-ci sont bien
plus nombreuses, certaines étant abordées par la pratique
d'interprétation, d'arrangement ou encore de (re)création/manipulation,
d'autres l'étant par l'écoute, la sensibilité, le commentaire et
l'analyse auditive.
Classe de première
Œuvre musicale : continuités et ruptures, héritages et perspectives
Toute création musicale s'enracine dans un ensemble d'influences et
peut parfois annoncer de nouveaux horizons. Considérée sous cet angle,
elle révèle de multiples filiations, certaines affirmant des constantes
(relevant des langages, des techniques, des formes ou encore des visées
expressives), d'autres soulignant des originalités annonciatrices de
nouveaux espaces techniques et esthétiques.
Partant des œuvres, ce travail et la réflexion qui en découle engagent à
multiplier les écoutes permettant de comparer les discours musicaux
entre eux et d'apprécier les éléments objectifs qui caractérisent
l'évolution d'un genre. Il permet également d'identifier les figures
particulières qui assurent la permanence d'un langage et, inversement,
celles qui signent une originalité et l'émergence d'un nouvel horizon
esthétique. L'élève apprend à situer et comprendre des musiques
nouvelles pour lui ; il développe parallèlement une perception cultivée,
consciente du temps et de l'espace des arts musicaux, s'appuyant sur des
musiques connues pour mieux entendre celles qui lui sont données à
découvrir.
Œuvre musicale et récit
La musique construit le temps. Elle organise un ensemble
d'événements selon des relations d'enchaînement, de répétition,
d'opposition, de variation, de développement, etc. Cette organisation
complexe témoigne d'un langage maîtrisé et utilisé au bénéfice d'un
discours dont la première intention est de capter l'attention et de
susciter l'émotion de l'auditeur. Il en va de même du récit où cette
même logique s'appuie sur des mots chargés de sens et permet de raconter
une histoire, sinon une situation ou un événement.
Cette analogie des démarches sur des matériaux par essence différents a
de tout temps abouti à des rencontres fructueuses entre narration et
musique. Parfois même, la musique s'est affranchie du texte pour
affirmer sa vocation narrative.
Cette histoire des relations entre la musique et le récit sera parcourue
dans la diversité de ses formes, qu'il sera toujours opportun de
comparer les unes aux autres. Certaines, souvent de modestes
proportions, témoigneront des relations qu'entretient le seul texte
narratif avec la musique (lied, mélodie, chanson). D'autres, d'une plus
grande ampleur, montreront comment la mise en scène et ses divers
constituants enrichissent la dialectique du texte et de la musique
(opéra, comédie musicale, théâtre musical). Il sera alors bienvenu
d'enrichir ce travail de la rencontre d'autres formes importantes en ce
domaine, qu'il s'agisse d'oratorio ou de cinéma. Enfin, l'étude d'un
dernier ensemble autour de la musique à programme visera à compléter ce
panorama en montrant comment la musique, en pleine conscience de ses
pouvoirs expressifs, revendique parfois les attributs du récit tout en
s'affranchissant du texte, qui en est la plupart du temps le support.
Classe terminale
Arrivé à la dernière année de sa formation scolaire, le lycéen doit être
invité à approfondir la dimension esthétique et réflexive de ses
pratiques musicales. Le programme propose ainsi un ensemble de
problématiques qui, au-delà des éclairages qu'elles apportent sur les
œuvres étudiées, contribuent à construire une méthodologie cultivée et
critique propre à alimenter ensuite une relation autonome à la musique.
Les problématiques proposées ci-dessous sont des entrées d'analyse
possibles pour l'ensemble des œuvres qui constituent le répertoire de la
classe. Selon les circonstances et l'œuvre abordée, le professeur en
choisit une ou deux qui sont approfondies, les autres étant seulement
évoquées ou n'étant pas abordées.
Certaines entrées interrogent l'œuvre dans son essence lorsque d'autres
engagent à apprécier dans le contexte des pratiques que nous en avons.
Certaines interrogent la relation de l'œuvre étudiée à l'histoire de la
musique, d'autres s'intéressent au dialogue sans cesse renouvelé
qu'entretient la musique avec les autres arts et les langages qui leur
sont propres. Ces quatre perspectives, en s'équilibrant et se
complétant, gagnent à être régulièrement alternées, la mobilisation de
l'une enrichissant toujours le travail des autres.
L'œuvre et son organisation
- L'œuvre et ses composantes : éléments constitutifs et leur
organisation, unité et diversité, stratégies pour l'écoute, formes et
structures.
- L'œuvre et son codage : libertés et contraintes,
traditions/conventions/originalités, représentations visuelles et
réalités auditives.
L'œuvre et ses pratiques
- L'œuvre et sa diffusion : éditions, réception par le public (les
publics) hier et aujourd'hui, supports de diffusion.
- L'œuvre et ses prolongements : arrangement, transcription, citation.
- L'œuvre et son interprétation : conventions, fidélité, trahison, goût
musical, authenticité stylistique.
L'œuvre et l'histoire
- L'œuvre et ses références au passé : citation, emprunt, allusion,
pastiche, hommage musical.
- L'œuvre et son contexte : place de l'œuvre dans l'histoire, son
environnement artistique, culturel, social et politique.
L'œuvre, la musique et les autres arts
- L'œuvre, ses prétextes, ses références, ses usages : créations
musicales d'après un texte, un tableau, un événement ; utilisation d'une
œuvre préexistante dans une chorégraphie, un film, etc.
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