Compositeur autrichien d'origine hongroise (Dicsoszentmarton, aujourd'hui Tirnaveni, Transylvanie, 1923).

György Ligeti © G. Vivien

 

La période hongroise

Elève de l'académie Franz Liszt de Budapest de 1945 à 1949 (ses maîtres y furent Ferenc Farkas, puis Sandor Veress), il y enseigna l'harmonie, le contrepoint et l'analyse musicale de 1950 à 1956, après avoir effectué en Roumanie (1949-50) une tournée de recherches folkloriques, qui devait le conduire à privilégier la couleur sonore, le timbre, dans ses premières compositions. Durant ces années, il composa beaucoup, en général dans un style néobartokien, mais, aussi, sous l'influence de Alban Berg: Six Bagatelles pour quintette à vent (1951-1953), son premier quatuor à cordes, dit Métamorphoses nocturnes (1953-54). Il traversa ensuite une crise stylisque, dont témoignent plusieurs partitions inachevées, dont 2 fragments de requiem. Grâce à la radio, il put aussi entendre, à cette époque, plusieurs ouvrages de l'avant-garde occidentale.

L'exil

Ayant quitté son pays à la suite des événements de 1956, Ligeti travailla avec Karlheinz Stockhausen, Herbert Heimer et Gottfried Michael König au Studio de musique électronique de Cologne. Il y élabora, entre 1957 et 1958, trois pièces électroniques: Glissandi, Artikulation et Atmosphères (à ne pas confondre avec la pièce orchestrale du même nom écrite ultérieurement).

Artikulation

Partition d'Artikulation

Partition de Volumina

La micropolyphonie

Tournant le dos à la musique électronique et au sérialisme, il s'impose au monde musical international avec deux partitions pour grand orchestre: Apparitions (1958-59) et Atmosphères (1961). Cette dernière renonce à toute notion de mélodie, d'intervalles et de profils rythmiques perceptibles. Conçue en un seul bloc, l'oeuvre se déploie dans des lentes évolutions de clusters, de timbres, de registres, de couleurs et d'épaisseurs conditionnés par les infimes évolutions de chaque partie instrumentale. La micropolyphonie était née. Ce style se poursuit dans des oeuvres tel Volumina pour orgue (1962).

Ironie et provocation

Au début des années soixante, Ligeti compose, parallèlement à ses oeuvres sérieuses, des pièces ironiques visant à railler le contexte musical de l'époque, trop intellectuel à son goût. Ainsi L'avenir de la musique est une pseudo-conférence pendant laquelle le compositeur resta silencieux. La "musique" était constituée des divers bruits émanant du public pendant les dix minutes de l'intervention (silence gêné, rumeurs de mécontentement puis perte de contenance du public). Le Poème symphonique pour cent métronomes (1962) ressemble à un happening: dix personnes déclenchent les métronomes (réglés à des vitesses différentes) et quittent la scène. La pièce se termine lorsque le dernier métronome s'arrête.

Ligeti2

György Ligeti © B. Perrine

Aventures

Partition de Aventures

Le théâtre musical

Par opposition au statisme continu d'Atmosphère, un nouveau style émerge avec avec les Trois Bagatelles pour piano (1961), Fragment pour orchestre de chambre et surtout Aventures (1962-63) qui deviendra Aventures et Nouvelles aventures (1966). Aventures, écrite pour trois chanteurs et sept instrumentistes, est une action scénique imaginaire qui offre une alternance chaotique de caractères expressifs très diversifiés: gémissements, gloussements, rires, sanglots, cris d'angoisse... Le texte, composé de phonèmes sans lien apparent être eux, développe un langage imaginaire, une poésie de l'absurde.

Le retour des intervalles

Dès le milieu des années soixante, Ligeti va axer son travail sur la perception de certains intervalles ou groupes d'intervalles. Dans le Requiem pour soprano, mezzo-soprano, deux choeurs mixtes et orchestre (1963-65), le compositeur fait ressortir certaines parties vocales ou instrumentales de la micropolyphonie. Le flux sonore est sillonné de points de repère et l'écriture est plus aérée. Ligeti s'est inspiré de compositeurs comme Machaut, Ockhegem et Jean-Sébastien Bach notamment dans l'utilisation du canon. Ces recherches sont prolongées dans Lux aeterna pour choeur mixte à seize voix (1966). La notion de lumière est au coeur de cette pièce: des passages "clairs", harmoniquement perceptibles, se brouillent progressivement pour donner naissances à de nouveaux passages "clairs" et ainsi de suite. Ce type d'écriture se poursuit dans des partitions orchestrales tels Lontano (1967)

Lux aeterna

Partition de Lux aeterna

Partition de Continuum

Synthèse et nouvelle évolution

A partir de 1968, Ligeti intègre de plus en plus dans ses compositions des aspects plus traditionnels de l'écriture comme la mélodie et le rythme. Il s'intéresse également à des notions de l'expression musicale qu'il n'avait pas encore exploré: les micro-intervalles et la polymétrie. Continuum pour clavecin (1968) superpose deux couches rythmiques indépendantes (main droite/main gauche) à partir d'un simple ostinato qui s'allonge ou rétrécie donnant ainsi l'illusion d'accélérations ou de ralentissements. Des mélodies (jusqu'alors inexistantes) apparaissent dans les Dix pièces pour quintette à vent (1968) et plus encore dans le Concerto de chambre pour treize instrumentistes (1969-70), Melodien pour orchestre (1971) ou le Double concerto pour flûte, hautbois et orchestre (1972). Par ailleurs, cette dernière pièce fait un emploi fréquent des micro-intervalles (ce ne sont pas des quarts de tons mais des inflections de hauteur obtenues par des doigtés spéciaux).

Développements récents

Après la synthèse stylistique, à base de citations et d'auto-citations, réalisé dans son opéra Le Grand Macabre (1974-77), la musique de Ligeti semble à la fois s'acheminer vers une esthétique proche de la tradition (le Trio pour violon, cor et piano - 1982), s'ouvrir à d'autres courants comme la musique minimaliste (Selbstportrait pour piano - 1976), le rock (Hungarian Rock pour clavecin - 1978) ou les musiques africaines (le Concerto pour piano - 1985-88) et à la fois poursuivre ses recherches vers une complexification de la polymétrie, de la polyrythmie... En cela, il s'intègre à une tendance générale de la musique d'aujourd'hui: le postmodernisme.

Le Grand Macabre

Le Grand Macabre © Bernard

Les éléments de cette biographie sont tirés du "Dictionnaire des grands musiciens" (Larousse, 1985) et de la monographie de Pierre Michel "György Ligeti, compositeur d'aujourd'hui"( Minerve, 1985).