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Titre de l'œuvre : le Plein du Vide
La
notion de plein et de vide fait partie de la philosophie chinoise. Alors
qu'en occident, les philosophes ont nié le vide, les chinois considèrent
que le vide est un agissant dynamique; le cosmos est né du vide et il est
soumis au Yin (douceur réceptive) et au Yang (force active). L'école
taoïste a fait du vide un élément essentiel,
le "rien" étant à l'origine du monde
Le Yin et le Yang ne s'opposent pas; ils se complètent au contraire, et
c'est à leur rencontre qu'on trouve l'absolu, l'idéal, la "Voie" : le
Tao.
Voir
à ce propos l'ouvrage de François Cheng "Vide et plein, le
langage pictural des Chinois" (Ed. Seuil 1979):
«
Dessins et calligraphies dosent savamment les pleins et les vides. Cette
alternance essentielle, ménageant des espaces vierges qui imposent une
respiration, incite à circuler dans la page, qu’il s’agisse de texte, de
peinture ou de dessin. Le contraste entre l’encre et le papier,
l’opposition des noirs et des blancs souligne et augmente cet effet. Par
convention, les trouées mystérieuses de ces champs non remplis suggèrent
les eaux – des lacs ou des rivières – et les brumes insondables.
Le peintre Fan Ji, de la fin du XVIIIe siècle,
proposait la mise au point suivante : "Dans la peinture, on fait grand cas
de la notion de Vide-Plein. C’est par le Vide que le Plein parvient à
manifester sa vraie plénitude. Cependant, que de malentendus qu’il
convient de dissiper! On croit en général qu’il suffit de ménager beaucoup
d’espace non-peint pour créer du vide. Quel intérêt présente ce vide s’il
s’agit d’un espace inerte ? Il faut en quelque sorte que le Vide soit plus
pleinement habité que le Plein. Car c’est lui qui, sous forme de fumées,
de brumes, de nuages ou de souffles invisibles, porte toutes choses, les
entraînant dans le processus de secrètes mutations. Loin de “diluer”
l’espace, il confère au tableau cette unité où toutes choses respirent
comme dans une structure organique. Le Vide n’est donc point extérieur au
Plein, encore moins s’oppose-t-il à celui-ci. L’art suprême consiste à
introduire du Vide au sens même du Plein, qu’il s’agisse d’un simple trait
ou de l’ensemble. Il est dit : “Tout trait doit être précédé et prolongé
par l’esprit.” Dans un tableau mû par le vrai Vide, à l’intérieur de
chaque trait, entre les traits, et jusqu’en plein cœur de l’ensemble le
plus dense, le souffle-esprit peut et doit librement circuler."
(Traduction François Cheng)
».
(Source BNF)
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