JOSQUIN DES PRES (1440-v.1521)
Déploration sur la mort de Jean Ockeghem

Ecrite par Josquin des Prés pour célébrer la mort de son maître, Johannes Ockeghem (1410-1497) compositeur de l'école franco-flamande, cette déploration est une chanson-motet (ou motet-chanson) polyphonique à 5 voix (lire le texte).

La notation en notes noires dans toutes les sources manuscrites ou imprimées est signe de deuil (voir ci-dessous) :

Observons la page ci-contre :

La disposition des différentes voix de la partition montre le superius et le contratenor encadrant le cantus firmus "Requiem æternam" chanté à la partie de tenor.

Cet agencement des parties est significatif de l'époque. On ne se soucie pas de superposer les différentes voix  "notes contre notes" en un alignement vertical, comme dans nos éditions modernes.

Les partitions sont donc imprimées en parties séparées ou regroupées.
(voir l'article partitions dans le Petit Glossaire).

Quelques noms d'éditeurs célèbres : Attaingnant (Paris), Moderne (Lyon), Petrucci, Gardane (Venise)...

 

Nymphes des bois

Cette déploration est un exemple de l’Ars Combinatoria, où le motet-chanson, mêle l’univers courtois et ecclésiastique.

" La position fréquemment ambivalente du musicien, entre la Cour et l’Eglise, peut expliquer, en effet, cet amalgame culturel " (J.-P. Ouvrard). On trouve également, chez Josquin, dans son Stabat Mater, l’utilisation comme cantus firmus de la chanson Comme femme desconfortée de Gilles Binchois.

Requiem aeternam

Dans cette polyphonie à 5 voix, le cantus firmus confié au tenor est de circonstance ; il s’agit de l’Introït de la Messe des Morts :

Requiem aeternam

A l'audition, il est assez malaisé d'identifier ce thème, et pour trois raisons :

- son écriture en valeurs longues ;
- l'interprétation à la tierce supérieure de celui fréquemment chanté en fa (avec changements d'intervalles) ;
- enfin, il apparaît "noyé" dans les 5 voix de la polyphonie.

Ambitus des voix :

superius (ambitus)

contratenor (ambitus)

quinta Pars (ambitus)

                                   tenor (ambitus)

           bassus (ambitus)

La déploration sur la mort de J. Ockeghem, ultime hommage de Josquin à son maître, peut être rapprochée d'une oeuvre de ce dernier. En effet, la phrase initiale de l'oeuvre rappelle le début de la chanson au titre évocateur J'en ay deuil, d' Ockeghem.

Pour écouter et comparer les premières mesures des ces 2 oeuvres, cliquez sur les chanteurs dans le tableau ci-dessous :

Josquin des Prés

Déploration sur la mort d'Ockeghem  

Déploration (début)

Johannes Ockeghem

J'en ay deuil

J'en ay deuil (début)

Structure :

1ère partie :
de "Nymphes des bois" à
"la terre coeuvre".
2e partie : A
de "Acoutrez vous" à
"vostre bon père".
2e partie : B
"Requiescat in pace"
voir exemple ci -dessous
2e partie : C
"Amen"
Entrées des voix en imitations. Homophonie des 4 voix
(le ténor ne chante pas)
Homophonie des 5 voix
(avec la partie de ténor)
Reprise en imitations.

Requiescat in pace

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La cadence finale termine cette déploration sur un intervalle de quinte à vide [la-mi-la]. "Avant le 16e siècle, il était de règle que l'accord final ne comporte pas de tierce ; considérée comme imparfaitement consonante, elle ne pouvait pas former une conclusion parfaite. C'était encore l'avis des théoriciens du 16e s., bien que la pratique de ce temps ait admis la tierce majeure à la fin" (Honegger) :

Déploration (cadence finale)  

Cliquez ici pour entendre

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